"TOI DE L'AUTRE CÔTÉ"

Léo Ferré :
Un grand musicien

Si on ne connait pas tout le vécu artistique de Léo Ferré avant 1975, on ne peut comprendre la place qu'occupait la composition musicale dans sa vie.
Voilà ce que disait Alain Raemackers à ce sujet :
"En 1975, exilé volontaire depuis six ans, entre Florence et Sienne, Léo Ferré achève sa "décollierisation". Il assume désormais seul des choix artistiques à contre-courant de toutes les esthétiques en vogue. Il peut enfin réaliser ses rêves de musiciens. Ceux d'un petit garçon puis ceux d'un homme, obliger de cacher un demi-siècle durant ce don pour la musique comme on camouflerait une infirmité.
.../...
Léo Ferré devra patienter près d'un quart de siècle avant de pouvoir présenter dans tout leur éclat les textes et les orchestrations qui lui tiennent le plus à coeur." (1)

C'est contre vent et marées que le bateau Ferré a navigué "dans une onde mauvaise à boire" (2) jusqu'à ce Palais des Congrès qui concrétise tout ce qu'il voulait faire depuis longtemps déjà.
Après beaucoup d'espoir et de déceptions, il y était enfin arrivé, lui, le musicien en quête de reconnaissance.

Car depuis ses débuts, tous ceux qui l'ont côtoyé n'ont vu en lui que l'auteur et compositeur de chansons.
Il avait déjà mis en musique "La chanson du mal-aimé" de Guillaume Apollinaire quand Jacques Canetti encensait Catherine Sauvage mais refusait catégoriquement les arrangements de l'auteur de la chanson "L'homme".

Eddy Barclay préféra partir à Rio plutôt que de couvrir l'évènement du Palais des Congrès.
En 1977, Maurice Fleuret critiquant ce spectacle croyait que Léo dirigeait la musique de ses arrangeurs (!) alors qu'il dirigeait ses propres partitions! (3)

En 1997, Jean-Michel Defaye qui fut l'arrangeur de Léo pendant toute la période Barclay nous donne son avis :
"Les arrangements des chansons que Léo a composé et dirigé avec l'orchestre de la RAI depuis 1976 sont pâteux." Il est pourtant dans l'incapacité d'en nommer un seul ! (4)

Comment se fait-il que toutes ces personnes n'ont pas reconnu en lui le musicien exceptionnel qu'il était ?

Et nous laissons le mot de la fin à Monsieur Olivier Maison, journaliste à Marianne :
"Poussé sans doute par une dépression nostalgique un vent de révolte soufflera bientôt sur la chanson  : Ferré n'a plus besoin de ses papiers pour déambuler dans les rues de la notoriété.
Les Rita Mitsouko, à la sortie de leur dernier album osèrent en faire leur référence absolue :
"Un monument".
On le savait mais on feignait de l'ignorer."(5)

Avec cette petite phrase ignoble, tout est dit. "La lumière ne se fait que sur les tombes" (6)
Et encore...
Heureusement, Jean-Paul Dessy a su trouver les mots justes :
"Musicien parmi les musiciens, au centuple de tous les talents, il est à la fois l'inventeur de ses mélodies, l'arrangeur, l'orchestrateur, le chef d'orchestre, l'interprète au piano, alors si ça ce n'est pas un grand musicien, je ne sais pas où on en voit beaucoup d'autres."(7)

Merci, Monsieur jean- Paul Dessy.

SCL

1 - Alain Raemackers, texte de présentation du CD "Les années toscanes"
2 - "La chanson du Mal-Aimé" de Guillaume Apollinaire
3 - "L'homme en question" 1977 FR3
4 - Cahiers d'études Léo Ferré n° 5 "Muss es sein es muss sein"
5 - "Murat tes papiers" par Olivier Maison, Marianne du 6 au 12/2007
6 - "Préface", Texte de Léo Ferré
7 - "Hello Ferré" documentaire de Thierry Kubler, 2003

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