
Editorial de Luc Vidal
Cahiers d'études Léo Ferré n°1 : La marge
Léo Ferré est dans la marge au coeur du monde, dans la marge pour prendre le large. Son oeuvre-vie, son chant plus exactement, prennent source dans la solitude des jours et des nuits. S'il y a un sens à saisir c'est alors celui d'être complètement soi-même, au risque de l'errance, au risque de l'exil, au risque de l'amour. Ses poèmes, ses opéras, ses textes, ses musiques, ses concerts, ses chansons, sa voix deviennent des sémaphores inoubliables, des présences comme jamais.
Les refus du pouvoir de Léo Ferré et d'une forme de société qui impose des violences inédites sous couvert des apparences de justice et de démocratiques paroles (1) sont une constante de sa vie d'artiste. Cela donne une oeuvre-vie magnifique.
Léo Ferré est un continent et une mer immenses à (re)découvrir sans cesse comme François Villon, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, Guillaume Apollinaire, Aragon etc. Essayez avec quelques titres-forces de son oeuvre de lire les temps présents, cinq années après sa mort, et vous vous rendrez compte de la justesse des mots et des notes. Dans cette création, il n'y a aucune perte d'énergie, il y a un cycle de vie totale, de naissances et de morts au service de l'amour et du rien (2). Se donner le temps d'écouter, de regarder, de commenter la création ferréenne, c'est le but et l'ambition de ces Cahiers Léo Ferré.
La haute poésie, la musique savante, le texte au
coeur direct, la mélodie populaire, circulent
librement chez Ferré. Cela touche encore, cela touchera
des oreilles nouvelles et des coeurs
en recherche d'eux-mêmes. Ferré n'est pas
une question d'amour, c'est une réponse d'amour
permanente à nos inquiétudes.
Et nous avons besoin de ces hommes-créateurs-là,
notamment dans le domaine de la littérature, de la poésie
et de la chanson pour éclairer notre sens critique
et éviter ces compromissions communément
admises comme le dernier cri créateur de notre
époque.
1. Dans Techniques de l'exil in Testament phonographe Léo Ferré dénonçait "le psychisme barbare" qui soumettait les libertés de chacun à la tyrannie. 2 Article de Françoise Travelet Niente, p. 67.