Léo Ferré - CD SUR LA SCENE

D'octobre 1972 à mai 1973, en compagnie de Paul Castanier, Léo Ferré propose sur scène un nouveau récital. Ce spectacle de deux heures en deux parties est constitué d'une trentaine de "chansons", dont la moitié sont nouvelles. Des représentations seront données d'abord au Canada, puis en France et en Suisse. Léo Ferré est alors à l'apogée de sa notoriété. Sa popularité est grande mais son impopularité l'est à peine moins. Son "cas" ne souffre pas les tiédeurs. Quand il n'est pas l'objet d'une adulation aussi passionnelle qu'irraisonnée, son nom cristallise des haines paraxysmiques. Pour Ferré qui n'a et qui n'est ni Dieu ni Maître, l'incompréhension et la déception sont grandes.

Il envisagera un instant de ne plus se produire sur scène. La saison 71-72 s'est avérée comme une triomphale descente en enfer ! Une "certaine gauche" lui crache dessus, l'agresse verbalement (souvent) ou physiquement (parfois) quand elle n'en appelle pas au lynchage. Une "certaine presse" l'éreinte systématiquement, sans vraiment l'écouter, avec la plus méprisante mauvaise foi. Pour tous les autres, les plus nombreux, Ferré demeure le porte-parole au contact duquel ils peuvent recharger leurs accumulateurs en intelligence et en une énergie toute révolutionnaire.

La saison 72-73 va marquer la fin d'une époque. les révoltes s'éteignent, les passions s'épuisent, le pouvoir n'est plus dans la rue. "Sous les pavés y'a plus la plage, y'a l'enfer et la sécurité." Ferré, lui, ne désarme pas. Ses "gueulantes" ne datent pas de 68. De plus en plus esseulé, il poursuit son chemin vers toujours plus de poésie, de musique, d'imaginaire et d'abstraction, indissociables composantes de sa révolte permanente. "les amants tristes", "Night and Day", "Les oiseaux du malheur" sont les jalons les plus marquants de ce constant renouvellement.
Clôturant ce récital, c'est pourtant "Il n'y a plus rien" qui marquera le plus les esprits. Pour certains "proches" du poète et une certaine "criticature", il s'agit d'une oeuvre nihiliste et démagogique qui justifie tous les lynchages, tous les divorces et toutes les infidélités. (Qui veut tuer " Le chien" le prétend enragé... ça tombe bien !) Pour les plus désintéressés et les plus clairvoyants, "Il n'y a plus rien" est une oeuvre d'une force et d'une intelligence inégalables, annonciatrices de "L'espoir". C'est le début d'un cycle de vingt ans de créations qui verra la naissance d'innombrables chefs-d'oeuvre.

Des quelques récitals de cette tournée historique, ceux de Lausanne et de Montreux sont artistiquement les plus réussis. Léo Ferré et Paul Castanier s'y montrent on ne peut plus complices, inspirés et débordants d'énergie. C'est donc à partir des meilleures versions de ces deux soirées que nous avons reconstitué l'intégralité de ce programme exceptionnel. Paul Castanier mettra fin à seize ans de collaboration au lendemain du dernier concert donné à Colombes le 30 mai 1973. Léo Ferré sera dès lors définitivement "tout seul peut-être, mais peinard".

Alain Raemackers

CD 1
Préface - Les copains d'la neuille - Les oiseaux du malheur - Rotterdam - La fleur de l'âge - A toi - La mélancolie - Le crachat - Les souvenirs - Vitrines - L'oppression - Vingt ans - Les amants tristes - Avec le temps

CD2
Le chien - Les poètes - Ton style - Marie - La damnation - Pépée - Les étrangers - Mister the wind - La mémoire et la mer - Night and day - Comme à Ostende - Ne chantez pas la mort - Ils ont voté - Richard La solitude - Ni dieu ni maître - Il n'y a plus rien

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