Léo Ferré - Frantz Vaillant

Extrait du livre de Frantz Vaillant
"Léo ferré, Droit de réponse !"

Editions du Petit Véhicule
Parution septembre 2016

Préface
(1935-1993)

" L’immense talent du musicien-poète, cent ans après sa naissance n’est plus discuté aujourd’hui. De son vivant, rien de tel !
Entre la presse et Léo, les rapports ne furent pas toujours « comme un vent frais dans un ciel clair » (Baudelaire).

Il y eut pas mal d’orages, quelques éclaircies et même de jolis arcs-en-ciel. Mais l’artiste, à de rares exceptions, n’appréciait que très modérément les journalistes. Il les assimilait à des « démiurges que démange un prurit littéraire ».

Dès 1958, dans « La vie Moderne » il affirmait : « Les journaux c’est comme les pansements/ Faut en changer de temps en temps/ Sinon ça vous froisse les idées/. » Plus tard, en 1973, dans « Night and day », il assène : « Et l’encre se déloque à la gueule des gens/Le sperme des nouvelles se met du noir aux yeux ».
Pourquoi ces coups de griffes de la part de ce farouche libertaire ? A-t-il était injustement traité ? Pourquoi donc rêvait-il de déverser « Des tonnes de crachat sur la critiquature » ?

Il faut sans doute remonter à ses débuts artistiques et accompagner, année après année, son étourdissante carrière pour essayer de comprendre les raisons de cette hargne singulière.
Si en septembre 1948, l’un des premiers articles dans le journal Le Temps  évoque « le souffle et la verve satirique de la grande poésie française », le ton change en décembre 1950 : « poète-anarcho de très mauvais goût, abominablement faux et totalement jésuite » écrit Le Monde  tandis que Le Figaro, en 1961, n’hésite pas à souligner « ses cheveux raccourcis, ses gestes gauches, sa tendance à l’emphase et sa voix chevrotante ».

Après 1968, coure la légende de « l’artiste à la Rolls », une voiture qu’il n’a jamais eue, celle de « l’homme belliqueux », « impossible » et qui pousse « l’amour des animaux jusqu’à vivre avec sa guenon ».

Plus tard, en 1975, quand il réunira cent quarante musiciens au Palais des Congrès pour réaliser le rêve de sa vie, diriger un grand orchestre, France-Soir titrera «  Ferré assassiné par Beethoven. » Et comment oublier, quelques mois avant sa mort, la rencontre entre Léo et un jeune rappeur prétentieux lors d’une émission désolante ?

Certes, les « bons papiers », c’est à dire les articles qui lui sont favorables, ne manquent pas et une carrière, on le sait, se bâtit sur la controverse. Léo a participé, et c’est heureux, à des émissions qui furent parfois à la hauteur de son talent. Il serait malhabile, sinon malhonnête, d’être l’avocat de l’artiste en endossant les habits d’un procureur. Cependant, il est savoureux de constater combien l’audience de Léo Ferré s’est construite non pas « avec » mais « malgré » une presse régulièrement irriguée par des légendes- bidons et des infos rarement vérifiées.

« Léo Ferré/ Droit de réponse !» offre, je l’espère, un panorama saisissant de ces flèches trempées dans l’encre des rotatives et qui parfois « font mal jusqu’à la page des spectacles » (« Les loups »). Via de très nombreuses interviews données çà et là, Léo répond aux attaques et autres malentendus dont il fut la victime. En les rassemblant, l’équilibre est retrouvé.
Les journalistes répugnent à l’autocritique.
A tort.
On y fait des découvertes surprenantes.
Foi de journaliste."
Frantz Vaillant.

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Frantz Vaillant, journaliste rédacteur en chef à TV5Monde, auteur de plusieurs ouvrages, dont une biographie de Roland Topor, "Roland Topor ou le rire étranglé", est également réalisateur de nombreux documentaires souvent récompensés. Parmi ses films, deux sont consacrés à Léo Ferré : Léo Ferré, les témoins de sa vie (2002) et Léo Ferré, la mémoire des étoiles (2013), réalisé pour le vingtième anniversaire de la disparition de l'artiste.

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