Léo Ferré

Revue PLAGES N° 65

Éditorial

Cela fait un an que Léo Ferré est mort - le 14 juillet 1993. Dès que l'on a appris la nouvelle, quelques jours après, alors que Léo Ferré reposait déjà au cimetière de Monaco, les artistes de Plages ont eu envie de lui consacrer un numéro de la revue.
C'est Jean-Marie Aude qui, à l'atelier, a proposé le thème.

Nous étions quelques-uns à suivre régulièrement les récitals de Léo Ferré au Dejazet, le théâtre parisien où il chantait au profit de radio libertaire. Nous y allions avec Anne Fuard, André Chabot, Annick Ghersin, Jean-Pierre Clément, Nicole Crestou, Gérard Bignolais, Jean-Marie Aude, Madeleine Arnold. Nous nous retrouvions en rang serré à attendre l'ouverture des portes sur le trottoir du boulevard du Temple ; et puis, une fois dans le théâtre plein à craquer, Léo Ferré nous enchantait pendant plus de trois heures d'affilée.

C'était du noir et du rouge et c'était les chansons de maintenant desquelles se dégageait une beauté mélancolique où pointait, vibrante, la révolte.
On le ressentait comme cela, chialant la misère de tant d'autres, artistes ou non, hurlant l'injustice flagrante de l'argent, criant les manquements aux droits de l'homme, faisant sortir la vie de soi pour qu'elle devienne art, pavés qui volent dans les nuits des barricades, paroles qui, en clamant la douleur cachée, s'insurgent enfin pour dire le chant de l'espoir. Oui, nous le ressentions comme cela. Léo Ferré nous confirmait dans la révolte, positivait nos émotions, impulsant nos forces dans la ville, là où se livrent les combats. Léo Ferré, plus que tout autre chanteur, décapait les consciences, brisant le mythe des bouquins, de la télé, des journaux, des politiques du néant ; parce qu'il nous disait tout haut : " Foncez, bon sang ! Libérez vos pensées ! " , il nous poussait à briser cette société dont le modèle de réussite nous écoeure : des conglomérats de boutiquiers et de commerçants que les élus comblent d'égards, des types qui veulent se faire eux-mêmes en marchant sur les autres, des chefs d'entreprises véreux, des politiciens corrompus...

Quand la démocratie va, "tout s'en va", n'est-ce pas Messieurs ?

ROBERTO GUTIERREZ
14 JUILLET 1994

Depuis 28 ans, l’artiste argentin Roberto Gutiérrez édite Plages, une revue d’art contemporain dans laquelle de nombreux artistes expriment leur art et leurs idées.

La revue Plages reste inclassable,novatrice, avec un sens aigu de la provocation.

A découvrir :
• 1762, rue du Vieux-Pont-de-Sèvres
• Tél./fax : 01 46 08 35 56.
• Courriel :plages-magazine@wanadoo.fr

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