Léo Ferré - C'est un air

C'est un air

Paroles et musique de Léo Ferré

C'est un air qui vaut pas dix ronds
C'est presque rien, c'est qu'un' chanson,
Quand on s' met à parler d'amour
Nous on traîn' pas dans les discours.
Quand à lir' les auteurs costauds
Faut prendre sa loupe et ses bachots
Mais pour nous parler dans la nuit
Les mots d' la rue moi, ça m' suffit...
Quand c'est pas l'heur' des bis's dans l' cou
Quand j' suis tout prêt à t' fout' des coups
Pour s'envoyer tous nos motifs
On train' pas dans les subjonctifs:
J' te dis « salope », tu m' dis « ta gueule »,
Les voisins peuv'nt penser c' qu'ils veulent
Mais y'a un truc qu'ils savent, ma mie
C'est qu'on n'est pas d' l'Académie...

C'est un air qu'a servi cent fois
À dir' «Je t'aime », à dire « et toi? »
Des mots qui traîn'nt dans l'âme des gens,
Des mots qui chôm'nt jamais tellement
Ces gens les emploient dans leur cœur
Chaqu' fois qu'ils reçoivent le Bonheur
Et c' client-là faut pas l' rater
Des fois qu'il passerait plus jamais...

Quand c'est pas l'heur' des rendez-vous,
Quand on s'rait prêt à mett' les bouts,
On sait causer au désespoir
Avec les mots d' la Série Noire
J' te dis « Tir' toi », tu m' dis « fumier »
Mêm' que Stendhal n'a pas bronché
Dans son tombeau, car not' français
Ça l'empêch' pas de roupiller...

C'est un air qui court dans la rue
Qui fait l' tapin, qui fait la grue,
Avec des mots que sav' nt les chiens
Des mots d'amour, des mots de rien,
Et quant à fair' des écritures
On écrirait bien nos murmures
Et leurs paroles qui d'habitude
N'ont pas l' certificat d'études...
Quand il s'ra l'heur' de foutr' le camp
Comm' des oiseaux qu'on fait leur temps,
Quand on f'ra la demièr' java
Au dancing dont on n' revient pas,
Tu m' diras « Crève », j' te dirai « meurs! »
Les voisins rest'ront tout songeurs,
On s'en foutra, toujours est-il
Qu' j'étais un chien... qu' avait du style...

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