Léo en Oc
Texte de Claude Frigara
La Gazette n°997
du 26 juillet au 1er août 2007

Que peut apporter de plus à nos oreilles, quand elles ne servent pas qu'à tenir nos lunettes (sic), une nouvelle mais énième interprétation de Léo Ferré ?
Qu'apporte Léo en òc de Joan Pau Verdier ? Seize titres, de Avec le temps (Coma lo temps) à L'affiche rouge (L'aficha rotja), Merde à Vauban (Merda a Vauban), Ni Dieu ni maître (Ni Diu ni mestre), L'âge d'or (L'atge d'aur), Graine d'ananar (Grun d'ananar), La mémoire et la mer (La memòria e la mar), Monsieur William (Monsur William)... dans une traduction inédite. En occitan. D'accord, mais quoi ? La poésie n'est-elle pas intraduisible et Ferré n'est-il pas trop à part pour qu'on le retrouve dans une autre langue que la sienne ?
Et quelles chansons choisir dans son répertoire immense, quels thèmes ? L'Anarchie ? "Le désordre, c'est l'ordre moins le pouvoir ", ça doit pouvoir se dire en "patois" dans un pays d'oc qui sait ce qu'insurrection veut dire. Et l'amour ? Les troubadours, qui parlaient l'occitan, l'ont chanté "courtois".
La langue qu'on a jadis retirée de la bouche des enfants, l'idiome en révolte car opprimé, la langue d'oc, ne mérite-elle pas qu'on lui redonne des mots du meilleur cru, comme on transfuserait de la poésie ?
Joan Pau Verdier a tout cadré, tout pesé : sa voix, sa tessiture, le style des orchestrations, un petit panorama attentif de l'oeuvre, le respect total dans la traduction, cette terre étrangère. Il a , dit-il, "marné comme un malade".
Le résultat ? C'est humble et c'est magnifique.
Dialecte nord-languedocien (Périgord Noir et Quercy), vocables limousins, formules sud-languedociennes, il a puisé dans sa besace de pèlerin des Lettres, d'amoureux des deux langues, de poète lui-même.
"A chaque vers, il me fallait trouver. Le trobador (prononcer troubadour) c'est celui qui trouve, du verbe trobar", rappelle-t-il dans le livre en édition français/occitan qui sort accompagné du disque.
Les seize textes y sont (ceux de Ferré et ceux de ses frères en poésie que Léo a mis en musique : Louis Aragon, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Pierre Seghers, Rutebeuf, Jean-Roger Caussimon), avec des illustrations au fusain d'Yves Poyet, une conversation à bon escient avec l'éditeur, Jean-Paul Liégeois, un Pourquoi, comment traduire, où Joan Pau Verdier éclaire sa démarche sans disserter.